III
Je me retrouvai appuyé contre une fontaine demarbre, près de la maison peinte de tulipes et de papillons jaunesqu’Aziyadé avait habitée ; j’étais assis et la tête metournait ; les maisons sombres et désertes dansaient devantmes yeux une danse macabre ; mon front frappait sur le marbreet s’ensanglantait ; une vieille main noire, trempée dansl’eau froide de la fontaine, faisait matelas à ma tête… Alors, jevis la vieille Kadidja près de moi qui pleurait ; je serraises mains ridées de singe ; – elle continuait de verser del’eau sur mon front…
Des hommes qui passaient ne prenaient pasgarde à nous ; ils causaient avec animation, en lisant despapiers qu’on distribuait dans les rues, des nouvelles de lapremière bataille de Kars. On était aux mauvais jours des débuts dela guerre, et les destinées de l’islam semblaient déjà perdues.