Aziyadé

XXXIX

Nous étions assis, Achmet et moi, sur la placede la mosquée du Sultan Sélim. Nous suivions des yeux les vieillesarabesques de pierre qui grimpaient en se tordant le long desminarets gris, et la fumée de nos chibouks qui montait en spiraledans l’air pur.

La place du Sultan Sélim est entourée d’uneantique muraille, dans laquelle s’ouvrent de loin en loin desportes ogivales. Les promeneurs y sont rares, et quelques tombess’y abritent sous des cyprès ; on est là en bon quartier turc,et on peut aisément s’y tromper de deux siècles.

– Moi, disait Achmet d’un air frondeur, jesais bien ce que je ferai, Loti, quand tu seras parti : jemènerai joyeuse vie et je me griserai tous les jours ; unjoueur d’orgue me suivra, et me fera de la musique du matinjusqu’au soir. Je mangerai mon argent, mais cela m’est égal (zararyok).Je suis comme Aziyadé, quand tu seras parti, ce sera finiaussi de ton Achmet.

Et il fallut lui faire jurer d’êtresage ; ce qui ne fut point une facile affaire.

– Veux-tu, dit-il, me faire aussi un serment,Loti ? Quand tu seras marié et que tu seras riche, tu viendrasme chercher, et je serai là-bas ton domestique. Tu ne me payeraspas plus qu’à Stamboul, mais je serai près de toi, et c’est tout ceque je demande.

Je promis à Achmet de lui donner place sousmon toit, et de lui confier mes petits enfants.

Cette perspective d’élever mes bébés et de lescoiffer en fez suffit à le remettre en joie, et nous nous perdîmestoute la soirée en projets d’éducation, basés sur des méthodesextrêmement originales.

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