VI
Le lendemain, c’était le jour de toutarracher, de tout démolir, dans cette chère petite case, meubléepeu à peu avec amour, où chaque objet nous rappelait unsouvenir.
Deux hamals que j’avais enrôlés pour cettebesogne étaient là, attendant mes ordres pour s’y mettre ;j’imaginai de les envoyer dîner pour gagner du temps et retardercette destruction.
– Loti, dit Achmet, pourquoi ne dessines-tupas ta chambre ? Après les années, quand la vieillesse seravenue, tu la regarderas et tu te souviendras de nous.
Et j’employai cette dernière heure à dessinerma chambre turque. Les années auront du mal à effacer le charme deces souvenirs.
Quand Aziyadé vint, elle trouva des muraillesnues, et tout en désarroi ; c’était le commencement de la fin.Plus que des caisses, des paquets et du désordre ; les aspectsqu’elle avait aimés étaient détruits pour toujours. Les nattesblanches qui couvraient les planches, les tapis sur lesquels on sepromenait nu-pieds, étaient partis chez les juifs, tout avaitrepris l’air triste et misérable.
Aziyadé entra presque gaie, s’étant monté latête avec je ne sais quoi ; elle ne put cependant supporterl’aspect de cette chambre dénudée, et fondit en larmes.