XII
Achmet aura mission de me transmettre leslettres d’Aziyadé et de lui faire passer les miennes, voie deKadidja, et il me faut une provision d’enveloppes à sonadresse.
Or, Achmet ne sait point écrire, ni lui nipersonne de sa famille ; Aziyadé écrit trop mal pour affronterla poste, et nous voilà tous les trois assis sous la tente del’écrivain public, faisant vignette d’Orient.
C’est très compliqué, l’adresse d’Achmet, etcela tient huit lignes :
« À Achmet, fils d’Ibrahim, qui demeure àYedi-Koulé, dans une traverse donnant sur Arabahdjilar-Malessi,près de la mosquée. C’est la troisième maison après un tutundji, età côté il y a une vieille Arménienne qui vend des remèdes, et, enface, un derviche. »
Aziyadé fait confectionner huit enveloppessemblables, qu’elle paye de son argent, huit piastresblanches ; après quoi, il lui faut de ma part le serment dem’en servir.
Elle cache sous son yachmak ses yeux pleins delarmes : ce serment ne la rassure pas. D’abord, commentadmettre qu’un papier parti tout seul de si loin puisse lui arriverjamais ? Et puis elle sait bien, elle, qu’avant longtemps,« Aziyadé sera oubliée pour toujours » !