Aziyadé

XXXIII

 

Leur « madame « était une vieillecoquine qui avait couru toute l’Europe et fait tous lesmétiers ; leur « madame « (la madame de Samuel etd’Achmet ; ils l’appelaient ainsi : bizum madame, notremadame) ; leur madame parlait toutes les langues et tenait uncafé borgne dans le quartier de Galata.

Le café de leur « madame « ouvraitsur la grande rue bruyante ; il était très profond et trèsvaste ; il avait une porte de derrière sur une impasse malfamée des quais de Galata, laquelle impasse servait de débouché àplusieurs mauvais lieux. Ce café était surtout le rendez-vous decertains matelots de commerce italiens et maltais, suspects de volet de contrebande ; il s’y traitait plusieurs sortes demarchés, et il était prudent, le soir, d’y entrer avec unrevolver.

Leur « madame « nous aimaitbeaucoup, Samuel, Achmet et moi ; c’était ordinairement ellequi préparait à manger à mes deux amis, leurs affaires les retenantsouvent dans ces quartiers ; leur « madame « étaitremplie pour nous d’attentions maternelles.

Il y avait, au premier, chez leur« madame « un petit cabinet et un coffre qui me servaientaux changements de décors. J’entrais en vêtements européens par lagrande porte, et je sortais en Turc par l’impasse.

Leur « madame « était italienne.

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