Aziyadé

XXXV

Aujourd’hui, 22 janvier, les ministres et leshauts dignitaires de l’empire, réunis en séance solennelle à laSublime Porte, ont décidé à l’unanimité de repousser lespropositions de l’Europe sous lesquelles ils voyaient passer lagriffe de la sainte Russie. Et des adresses de félicitationsarrivent de tous les coins de l’empire aux hommes qui ont priscette résolution désespérée.

L’enthousiasme national était grand dans cetteassemblée où l’on vit pour la première fois cette choseinsolite : des chrétiens siégeant à côté de musulmans ;des prélats arméniens, à côté des derviches et ducheik-ul-islam ; où l’on entendit pour la première fois sortirde bouches mahométanes cette parole inouïe : « Nos frèreschrétiens. »

Un grand esprit de fraternité et d’unionrapprochait alors les différentes communions religieuses del’empire ottoman, en face d’un péril commun, et le prélatarménien-catholique prononça dans cette assemblée cet étrangediscours guerrier :

« Effendis !

« Les cendres de nos pères à tousreposent depuis cinq siècles dans cette terre de la patrie. Lepremier de tous nos devoirs est de défendre ce sol qui nous estéchu en héritage. La mort a lieu, en vertu d’une loi de nature.L’histoire nous montre de grands États qui ont tour à tour paru etdisparu dans la scène du monde. Si donc les décrets de laProvidence ont fixé le terme de l’existence de notre patrie, nousn’avons qu’à nous incliner devant son arrêt ; mais autre choseest de s’éteindre honteusement ou de faire une fin glorieuse. Sinous devons périr d’une balle meurtrière ne renonçons donc pas àl’honneur de la recevoir en pleine poitrine et non dans ledos ; au moins alors le nom de notre pays figureraglorieusement dans l’histoire. Naguère encore, nous n’étions qu’uncorps inerte ; la charte qui nous a été octroyée est venuevivifier et consolider ce corps. – Aujourd’hui, pour la premièrefois, nous sommes invités à ce conseil ; grâces en soientrendues à Sa Majesté le Sultan et aux ministres de la SublimePorte ! désormais, que la question de religion ne sorte pas dudomaine de la conscience ! que le musulman aille à sa mosquéeet le chrétien à son église ; mais, en face de l’intérêt detous, en face de l’ennemi public, soyons et demeurons tousunis ! »

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