XI.
On vit, on parle, on a le ciel et lesnuages
Sur la tête ; on se plaît aux livres desvieux sages ;
On lit Virgile et Dante ; on vajoyeusement
En voiture publique à quelque endroitcharmant,
En riant aux éclats de l’auberge et dugîte ;
Le regard d’une femme en passant vousagite ;
On aime, on est aimé, bonheur qui manque auxrois !
On écoute le chant des oiseaux dans lesbois ;
Le matin, on s’éveille, et toute unefamille
Vous embrasse, une mère, une sœur, unefille !
On déjeune en lisant son journal. Tout lejour
On mêle à sa pensée espoir, travail,amour ;
La vie arrive avec ses passionstroublées ;
On jette sa parole aux sombresassemblées ;
Devant le but qu’on veut et le sort qui vousprend,
On se sent faible et fort, on est petit etgrand ;
On est flot dans la foule, âme dans latempête ;
Tout vient et passe ; on est en deuil, onest en fête ;
On arrive, on recule, on lutte avec effort…–
Puis, le vaste et profond silence de lamort !
11juillet 1846, en revenant du cimetière.