X. – À Madame D. G. de G.
Jadis je vous disais : – Vivez, régnez,Madame !
Le salon vous attend ! le succès vousréclame !
Le bal éblouissant pâlit quand vouspartez !
Soyez illustre et belle ! aimez !riez ! chantez !
Vous avez la splendeur des astres et desroses !
Votre regard charmant, où je lis tant dechoses,
Commente vos discours légers et gracieux.
Ce que dit votre bouche étincelle en vosyeux.
Il semble, quand parfois un chagrin vousalarme,
Qu’ils versent une perle et non pas unelarme.
Même quand vous rêvez, vous souriez encor.
Vivez, fêtée et fière, ô belle aux cheveuxd’or !
Maintenant vous voilà pâle, grave, muette,
Morte, et transfigurée, et je vous dis :– Poëte !
Viens me chercher ! Archange ! êtremystérieux !
Fais pour moi transparents et la terre et lescieux !
Révèle-moi, d’un mot de ta boucheprofonde,
La grande énigme humaine et le secret dumonde !
Confirme en mon esprit Descartes ouSpinosa !
Car tu sais le vrai nom de celui quiperça,
Pour que nous puissions voir sa lumière sansvoiles,
Ces trous du noir plafond qu’on nomme lesétoiles !
Car je te sens flotter sous mes rameauxpenchants ;
Car ta lyre invisible a de sublimeschants !
Car mon sombre océan, où l’esquifs’aventure,
T’épouvante et te plaît ; car la saintenature,
La nature éternelle, et les champs, et lesbois,
Parlent à ta grande âme avec leur grandevoix !
Paris, 1840. – Jersey, 1855.