XVI. – Mors
Je vis cette faucheuse. Elle était dans sonchamp.
Elle allait à grands pas moissonnant etfauchant,
Noir squelette laissant passer lecrépuscule.
Dans l’ombre où l’on dirait que tout trembleet recule,
L’homme suivait des yeux les lueurs de lafaulx.
Et les triomphateurs sous les arcstriomphaux
Tombaient ; elle changeait en désertBabylone,
Le trône en échafaud et l’échafaud entrône,
Les roses en fumier, les enfants enoiseaux,
L’or en cendre, et les yeux des mères enruisseaux.
Et les femmes criaient : – Rends-nous cepetit être.
Pour le faire mourir, pourquoi l’avoir faitnaître ? –
Ce n’était qu’un sanglot sur terre, en haut,en bas ;
Des mains aux doigts osseux sortaient desnoirs grabats ;
Un vent froid bruissait dans les linceuls sansnombre ;
Les peuples éperdus semblaient sous la faulxsombre
Un troupeau frissonnant qui dans l’ombres’enfuit ;
Tout était sous ses pieds deuil, épouvante etnuit.
Derrière elle, le front baigné de doucesflammes,
Un ange souriant portait la gerbe d’âmes.
Mars 1854.