III. – Le rouet d’Omphale
Il est dans l’atrium, le beau rouetd’ivoire.
La roue agile est blanche, et la quenouilleest noire ;
La quenouille est d’ébène incrusté delapis.
Il est dans l’atrium sur un riche tapis.
Un ouvrier d’Égine a sculpté sur laplinthe
Europe, dont un dieu n’écoute pas laplainte.
Le taureau blanc l’emporte. Europe, sansespoir,
Crie, et baissant les yeux, s’épouvante devoir
L’Océan monstrueux qui baise ses piedsroses.
Des aiguilles, du fil, des boîtesdemi-closes,
Les laines de Milet, peintes de pourpre etd’or,
Emplissent un panier près du rouet quidort.
Cependant, odieux, effroyables, énormes,
Dans le fond du palais, vingt fantômesdifformes,
Vingt monstres tout sanglants, qu’on ne voitqu’à demi,
Errent en foule autour du rouetendormi :
Le lion néméen, l’hydre affreuse de Lerne,
Cacus, le noir brigand de la noirecaverne,
Le triple Géryon, et les typhons des eaux,
Qui, le soir, à grand bruit, soufflent dansles roseaux ;
De la massue au front tous ont l’empreintehorrible
Et tous, sans approcher, rôdant d’un airterrible,
Sur le rouet, où pend un fil souple etlié,
Fixent de loin, dans l’ombre, un œilhumilié.
Juin, 18…