XXVIII.
Il faut que le poëte, épris d’ombre etd’azur,
Esprit doux et splendide, au rayonnementpur,
Qui marche devant tous, éclairant ceux quidoutent,
Chanteur mystérieux qu’en tressaillantécoutent
Les femmes, les songeurs, les sages, lesamants,
Devienne formidable à de certains moments.
Parfois, lorsqu’on se met à rêver sur sonlivre,
Où tout berce, éblouit, calme, caresse,enivre,
Où l’âme, à chaque pas, trouve à faire sonmiel,
Où les coins les plus noirs ont des lueurs duciel ;
Au milieu de cette humble et haute poésie,
Dans cette paix sacrée où croît la fleurchoisie,
Où l’on entend couler les sources et lespleurs,
Où les strophes, oiseaux peints de millecouleurs,
Volent chantant l’amour, l’espérance et lajoie ;
Il faut que, par instants, on frissonne, etqu’on voie
Tout à coup, sombre, grave et terrible aupassant,
Un vers fauve sortir de l’ombre enrugissant !
Il faut que le poëte, aux semencesfécondes,
Soit comme ces forêts vertes, fraîches,profondes,
Pleines de chants, amour du vent et durayon,
Charmantes, où, soudain, l’on rencontre unlion.
Paris, mai 1842.