LIVRE TROISIÈME – LES LUTTES ET LESRÊVES
I. – Écrit sur un exemplaire de la DivinaCommedia
Un soir, dans le chemin je vis passer unhomme
Vêtu d’un grand manteau comme un consul deRome,
Et qui me semblait noir sur la clarté descieux.
Ce passant s’arrêta, fixant sur moi sesyeux
Brillants, et si profonds, qu’ils en étaientsauvages,
Et me dit : « J’ai d’abord été, dansles vieux âges,
« Une haute montagne emplissantl’horizon ;
« Puis, âme encore aveugle et brisant maprison,
« Je montai d’un degré dans l’échelle desêtres,
« Je fus un chêne, et j’eus des autels etdes prêtres,
« Et je jetai des bruits étranges dansles airs ;
« Puis je fus un lion rêvant dans lesdéserts,
« Parlant à la nuit sombre avec sa voixgrondante ;
« Maintenant, je suis homme, et jem’appelle Dante. »
Juillet 1843.