Les Contemplations

XXII. – Ce que c’est que la mort

 

Ne dites pas : mourir ; dites :naître. Croyez.

On voit ce que je vois et ce que vousvoyez ;

On est l’homme mauvais que je suis, que vousêtes ;

On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, auxfêtes ;

On tâche d’oublier le bas, la fin,l’écueil,

La sombre égalité du mal et ducercueil ;

Quoique le plus petit vaille le plusprospère ;

Car tous les hommes sont les fils du mêmepère ;

Ils sont la même larme et sortent du mêmeœil.

On vit, usant ses jours à se remplird’orgueil ;

On marche, on court, on rêve, on souffre, onpenche, on tombe,

On monte. Quelle est donc cette aube ?C’est la tombe.

Où suis-je ? Dans la mort. Viens !Un vent inconnu

Vous jette au seuil des cieux. Ontremble ; on se voit nu,

Impur, hideux, noué des mille nœudsfunèbres

De ses torts, de ses maux honteux, de sesténèbres ;

Et soudain on entend quelqu’un dansl’infini

Qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on estbéni,

Sans voir la main d’où tombe à notre âmeméchante

L’amour, et sans savoir quelle est la voix quichante.

On arrive homme, deuil, glaçon, neige ;on se sent

Fondre et vivre ; et, d’extase et d’azurs’emplissant,

Tout notre être frémit de la défaiteétrange

Du monstre qui devient dans la lumière unange.

Audolmen de la tour Blanche, jour des Morts, novembre 1854.

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