X. – Éclaircie
L’Océan resplendit sous sa vaste nuée.
L’onde, de son combat sans fin exténuée,
S’assoupit, et, laissant l’écueil sereposer,
Fait de toute la rive un immense baiser.
On dirait qu’en tous lieux, en même temps, lavie
Dissout le mal, le deuil, l’hiver, la nuit,l’envie,
Et que le mort couché dit au vivantdebout :
Aime ! et qu’une âme obscure, épanouie entout,
Avance doucement sa bouche vers noslèvres.
L’être, éteignant dans l’ombre et l’extase sesfièvres,
Ouvrant ses flancs, ses seins, ses yeux, sescœurs épars,
Dans ses pores profonds reçoit de toutesparts
La pénétration de la sève sacrée.
La grande paix d’en haut vient comme unemarée.
Le brin d’herbe palpite aux fentes dupavé ;
Et l’âme a chaud. On sent que le nid estcouvé.
L’infini semble plein d’un frisson defeuillée.
On croit être à cette heure où la terreéveillée
Entend le bruit que fait l’ouverture dujour,
Le premier pas du vent, du travail, del’amour,
De l’homme, et le verrou de la portesonore,
Et le hennissement du blanc cheval aurore.
Le moineau d’un coup d’aile, ainsi qu’un folesprit,
Vient taquiner le flot monstrueux quisourit ;
L’air joue avec la mouche et l’écume avecl’aigle ;
Le grave laboureur fait ses sillons etrègle
La page où s’écrira le poëme desblés ;
Des pêcheurs sont là-bas sous un pampreattablés ;
L’horizon semble un rêve éblouissant oùnage
L’écaille de la mer, la plume du nuage,
Car l’Océan est hydre et le nuage oiseau.
Une lueur, rayon vague, part du berceau
Qu’une femme balance au seuil d’unechaumière,
Dore les champs, les fleurs, l’onde et devientlumière
En touchant un tombeau qui dort près duclocher.
Le jour plonge au plus noir du gouffre, et vachercher
L’ombre, et la baise au front sous l’eausombre et hagarde.
Tout est doux, calme, heureux, apaisé ;Dieu regarde.
Marine-Terrace, juillet 1855.