II.
Le poëte s’en va dans les champs ; iladmire,
Il adore ; il écoute en lui-même unelyre ;
Et, le voyant venir, les fleurs, toutes lesfleurs,
Celles qui des rubis font pâlir lescouleurs,
Celles qui des paons même éclipseraient lesqueues,
Les petites fleurs d’or, les petites fleursbleues,
Prennent, pour l’accueillir agitant leursbouquets,
De petits airs penchés ou de grands airscoquets,
Et, familièrement, car cela sied auxbelles :
« Tiens ! c’est notre amoureux quipasse ! » disent-elles.
Et, pleins de jour et d’ombre et de confusesvoix,
Les grands arbres profonds qui vivent dans lesbois,
Tous ces vieillards, les ifs, les tilleuls,les érables,
Les saules tout ridés, les chênesvénérables,
L’orme au branchage noir, de mousseappesanti,
Comme les ulémas quand paraît le muphti,
Lui font de grands saluts et courbent jusqu’àterre
Leurs têtes de feuillée et leurs barbes delierre,
Contemplent de son front la sereine lueur,
Et murmurent tout bas : C’est lui !c’est le rêveur !
LesRoches, juin 1831.