XXV.
Ô strophe du poëte, autrefois, dans lesfleurs,
Jetant mille baisers à leurs millecouleurs,
Tu jouais, et d’avril tu pillais lacorbeille ;
Papillon pour la rose et pour la rucheabeille,
Tu semais de l’amour et tu faisais dumiel ;
Ton âme bleue était presque mêlée auciel ;
Ta robe était d’azur et ton œil delumière ;
Tu criais aux chansons, tes sœurs :« Venez ! chaumière,
Hameau, ruisseau, forêt, tout chante. L’aube alui ! »
Et, douce, tu courais et tu riais. Maislui,
Le sévère habitant de la blême caverne
Qu’en haut le jour blanchit, qu’en bas rougitl’Averne,
Le poëte qu’ont fait avant l’heurevieillard
La douleur dans la vie et le drame dansl’art,
Lui, le chercheur du gouffre obscur, lechasseur d’ombres,
Il a levé la tête un jour hors desdécombres,
Et t’a saisie au vol dans l’herbe et dans lesblés,
Et, malgré tes effrois et tes crisredoublés,
Toute en pleurs, il t’a prise à l’idyllejoyeuse ;
Il t’a ravie aux champs, à la source, àl’yeuse,
Aux amours dans les bois près des nidspalpitants ;
Et maintenant, captive et reine en mêmetemps,
Prisonnière au plus noir de son âmeprofonde,
Parmi les visions qui flottent commel’onde,
Sous son crâne à la fois céleste etsouterrain,
Assise, et t’accoudant sur un trôned’airain,
Voyant dans ta mémoire, ainsi qu’une ombrevaine,
Fuir l’éblouissement du jour et de laplaine,
Par le maître gardée, et calme, et sansespoir,
Tandis que, près de toi, les drames, groupenoir,
Des sombres passions feuillettent leregistre,
Tu rêves dans sa nuit, Proserpinesinistre.
Jersey, novembre 1854.