Les Contemplations

XIX. – Vieille chanson du jeunetemps

 

Je ne songeais pas à Rose ;

Rose au bois vint avec moi ;

Nous parlions de quelque chose,

Mais je ne sais plus de quoi.

J’étais froid comme les marbres ;

Je marchais à pas distraits ;

Je parlais des fleurs, des arbres ;

Son œil semblait dire :« Après ? »

La rosée offrait ses perles,

Le taillis ses parasols ;

J’allais ; j’écoutais les merles,

Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, et l’air morose ;

Elle, vingt ; ses yeux brillaient.

Les rossignols chantaient Rose,

Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,

Leva son beau bras tremblant

Pour prendre une mûre aux branches ;

Je ne vis pas son bras blanc.

Une eau courait, fraîche et creuse

Sur les mousses de velours ;

Et la nature amoureuse

Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,

Et mit, d’un air ingénu,

Son petit pied dans l’eau pure ;

Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire ;

Je la suivais dans le bois,

La voyant parfois sourire

Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu’elle était belle

Qu’en sortant des grands bois sourds.

« Soit ; n’y pensonsplus ! » dit-elle.

Depuis, j’y pense toujours.

Paris, juin 1831.

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