XV. – Paroles dans l’ombre
Elle disait : C’est vrai, j’ai tort devouloir mieux ;
Les heures sont ainsi très doucementpassées ;
Vous êtes là ; mes yeux ne quittent pasvos yeux,
Où je regarde aller et venir vos pensées.
Vous voir est un bonheur ; je ne l’ai pascomplet.
Sans doute, c’est encor bien charmant de lasorte !
Je veille, car je sais tout ce qui vousdéplaît,
À ce que nul fâcheux ne vienne ouvrir laporte ;
Je me fais bien petite, en mon coin, près devous ;
Vous êtes mon lion, je suis votrecolombe ;
J’entends de vos papiers le bruit paisible etdoux ;
Je ramasse parfois votre plume quitombe ;
Sans doute, je vous ai ; sans doute, jevous voi.
La pensée est un vin dont les rêveurs sontivres,
Je le sais ; mais, pourtant, je veuxqu’on songe à moi.
Quand vous êtes ainsi tout un soir dans voslivres,
Sans relever la tête et sans me dire unmot,
Une ombre reste au fond de mon cœur qui vousaime ;
Et, pour que je vous voie entièrement, ilfaut
Me regarder un peu, de temps en temps,vous-même.
Paris, octobre 18…