Les Contemplations

V. – À André Chénier

 

Oui, mon vers croit pouvoir, sans semésallier,

Prendre à la prose un peu de son airfamilier.

André, c’est vrai, je ris quelquefois sur lalyre.

Voici pourquoi. Tout jeune encor, tâchant delire

Dans le livre effrayant des forêts et deseaux,

J’habitais un parc sombre où jasaient desoiseaux,

Où des pleurs souriaient dans l’œil bleu despervenches ;

Un jour que je songeais seul au milieu desbranches,

Un bouvreuil qui faisait le feuilleton dubois

M’a dit : « Il faut marcher à terrequelquefois.

« La nature est un peu moqueuse autourdes hommes ;

« Ô poëte, tes chants, ou ce qu’ainsi tunommes,

« Lui ressembleraient mieux si tu lesdégonflais.

« Les bois ont des soupirs, mais ils ontdes sifflets.

« L’azur luit, quand parfois la gaîté ledéchire ;

« L’Olympe reste grand en éclatant derire ;

« Ne crois pas que l’esprit du poëtedescend

« Lorsque entre deux grands vers un motpasse en dansant.

« Ce n’est pas un pleureur que le vent endémence ;

« Le flot profond n’est pas un chanteurde romance ;

« Et la nature, au fond des siècles etdes nuits,

« Accouplant Rabelais à Dante pleind’ennuis,

« Et l’Ugolin sinistre au Grandgousierdifforme,

« Près de l’immense deuil montre le rireénorme. »

LesRoches, juillet 1830.

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