IX. – Le mendiant
Un pauvre homme passait dans le givre et levent.
Je cognai sur ma vitre ; il s’arrêtadevant
Ma porte, que j’ouvris d’une façon civile.
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leursbâts.
C’était le vieux qui vit dans une niche aubas
De la montée, et rêve, attendant,solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de laterre,
Tendant les mains pour l’homme et les joignantpour Dieu.
Je lui criai : « Venez vousréchauffer un peu.
Comment vous nommez-vous ? » Il medit : « Je me nomme
Le pauvre. – Je lui pris la main :« Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il meparlait,
Et je lui répondais, pensif et sansl’entendre.
« Vos habits sont mouillés »,dis-je, « il faut les étendre
Devant la cheminée. » Il s’approcha dufeu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadisbleu,
Étalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur debraise,
Couvrait l’âtre, et semblait un ciel noirétoilé.
Et, pendant qu’il séchait ce haillondésolé
D’où ruisselaient la pluie et l’eau desfondrières,
Je songeais que cet homme était plein deprières,
Et je regardais, sourd à ce que nousdisions,
Sa bure où je voyais des constellations.
Décembre 1834.