LIVRE DEUXIÈME – L’ÂME EN FLEUR
I. – Premier Mai
Tout conjugue le verbe aimer. Voici lesroses.
Je ne suis pas en train de parler d’autreschoses ;
Premier mai ! l’amour gai, triste,brûlant, jaloux,
Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs,les loups ;
L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit unedevise,
La redit pour son compte, et croit qu’ill’improvise ;
Les vieux antres pensifs, dont rit le geaimoqueur,
Clignent leurs gros sourcils et font la boucheen cœur ;
L’atmosphère, embaumée et tendre, semblepleine
Des déclarations qu’au Printemps fait laplaine,
Et que l’herbe amoureuse adresse au cielcharmant.
À chaque pas du jour dans le bleufirmament,
La campagne éperdue, et toujours pluséprise,
Prodigue les senteurs, et, dans la tièdebrise,
Envoie au renouveau ses baisersodorants ;
Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres,safrans,
Dont l’haleine s’envole en murmurant : Jet’aime !
Sur le ravin, l’étang, le pré, le sillonmême,
Font des taches partout de toutes lescouleurs ;
Et, donnant les parfums, elle a gardé lesfleurs ;
Comme si ses soupirs et ses tendresmissives
Au mois de mai, qui rit dans les brancheslascives,
Et tous les billets doux de son amourbavard,
Avaient laissé leur trace aux pages dubuvard !
Les oiseaux dans les bois, molles voixétouffées,
Chantent des triolets et des rondeaux auxfées ;
Tout semble confier à l’ombre un douxsecret ;
Tout aime, et tout l’avoue à voix basse ;on dirait
Qu’au nord, au sud brûlant, au couchant, àl’aurore,
La haie en fleur, le lierre et la sourcesonore,
Les monts, les champs, les lacs et les chênesmouvants,
Répètent un quatrain fait par les quatrevents.
Saint-Germain, 1er mai 18…