Les Contemplations

VII. – La statue

 

Quand l’Empire romain tomba désespéré,

– Car, ô Rome, l’abîme où Carthage asombré

Attendait que tu la suivisses ! –

Quand, n’ayant rien en lui de grand qu’iln’eût brisé,

Ce monde agonisa, triste, ayant épuisé

Tous les Césars et tous les vices ;

Quand il expira, vide et riche commeTyr ;

Tas d’esclaves ayant pour gloire de sentir

Le pied du maître sur leurs nuques ;

Ivre de vin, de sang et d’or ;continuant

Caton par Tigellin, l’astre par le néant,

Et les géants par les eunuques ;

Ce fut un noir spectacle et dont ons’enfuyait.

Le pâle cénobite y songeait, inquiet,

Dans les antres visionnaires ;

Et, pendant trois cents ans, dans l’ombre onentendit

Sur ce monde damné, sur ce festin maudit,

Un écroulement de tonnerres.

Et Luxure, Paresse, Envie, Orgie, Orgueil,

Avarice et Colère, au-dessus de ce deuil,

Planèrent avec des huées ;

Et, comme des éclairs sous le plafond dessoirs,

Les glaives monstrueux des sept archangesnoirs

Flamboyèrent dans les nuées.

Juvénal, qui peignit ce gouffre universel,

Est statue aujourd’hui ; la statue est desel,

Seule sous le nocturne dôme ;

Pas un arbre à ses pieds ; pas d’herbe etde rameaux ;

Et dans son œil sinistre on lit ces sombresmots :

Pour avoir regardé Sodome.

Février 1843.

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