XII. – Églogue
Nous errions ; elle et moi, dans lesmonts de Sicile.
Elle est fière pour tous et pour moi seuldocile.
Les cieux et nos pensers rayonnaient à lafois.
Oh ! comme aux lieux déserts les cœurssont peu farouches !
Que de fleurs aux buissons, que de baisers auxbouches,
Quand on est dans l’ombre des bois !
Pareils à deux oiseaux qui vont de cime encime,
Nous parvînmes enfin tout au bord d’unabîme.
Elle osa s’approcher de ce sombreentonnoir ;
Et, quoique mainte épine offensât ses mainsblanches,
Nous tâchâmes, penchés et nous tenant auxbranches,
D’en voir le fond lugubre et noir.
En ce même moment, un titan centenaire,
Qui venait d’y rouler sous vingt coups detonnerre,
Se tordait dans ce gouffre où le jour n’oseentrer ;
Et d’horribles vautours au becimpitoyable,
Attirés par le bruit de sa chuteeffroyable,
Commençaient à le dévorer.
Alors, elle me dit : « J’ai peurqu’on ne nous voie !
Cherchons un autre afin d’y cacher notrejoie !
Vois ce pauvre géant ! nous aurions notretour !
Car les dieux envieux qui l’ont faitdisparaître,
Et qui furent jaloux de sa grandeur,peut-être
Seraient jaloux de notreamour ! »
Septembre 18…