XXI.
Elle était déchaussée, elle étaitdécoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncspenchants ;
Moi qui passais par là, je crus voir unefée,
Et je lui dis : Veux-tu t’en venir dansles champs ?
Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous entriomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c’est le mois oùl’on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbresprofonds ?
Elle essuya ses pieds à l’herbe de larive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient au fonddes bois !
Comme l’eau caressait doucement lerivage !
Je vis venir à moi, dans les grands roseauxverts,
La belle fille heureuse, effarée etsauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant autravers.
Mont.-l’Am., juin 183…