XIV. – À la mère de l’enfant mort
Oh ! vous aurez trop dit au pauvre petitange
Qu’il est d’autres anges là-haut,
Que rien ne souffre au ciel, que jamais rienn’y change,
Qu’il est doux d’y rentrer bientôt ;
Que le ciel est un dôme aux merveilleuxpilastres,
Une tente aux riches couleurs,
Un jardin bleu rempli de lis qui sont desastres,
Et d’étoiles qui sont des fleurs ;
Que c’est un lieu joyeux plus qu’on ne sauraitdire,
Où toujours, se laissant charmer,
On a les chérubins pour jouer et pourrire,
Et le bon Dieu pour nous aimer ;
Qu’il est doux d’être un cœur qui brûle commeun cierge,
Et de vivre, en toute saison,
Près de l’enfant Jésus et de la sainteVierge
Dans une si belle maison !
Et puis vous n’aurez pas assez dit, pauvremère,
À ce fils si frêle et si doux,
Que vous étiez à lui dans cette vie amère,
Mais aussi qu’il était à vous ;
Que, tant qu’on est petit, la mère sur nousveille,
Mais que plus tard on la défend ;
Et qu’elle aura besoin, quand elle seravieille,
D’un homme qui soit son enfant ;
Vous n’aurez point assez dit à cette jeuneâme
Que Dieu veut qu’on reste ici-bas,
La femme guidant l’homme et l’homme aidant lafemme,
Pour les douleurs et les combats ;
Si bien qu’un jour, ô deuil ! irréparableperte !
Le doux être s’en est allé !… –
Hélas ! vous avez donc laissé la cageouverte,
Que votre oiseau s’est envolé !
Avril 1843.