IX. – En écoutant les oiseaux
Oh ! quand donc aurez-vous fini, petitsoiseaux,
De jaser au milieu des branches et deseaux,
Que nous nous expliquions et que je vousquerelle ?
Rouge-gorge, verdier, fauvette,tourterelle,
Oiseaux, je vous entends, je vous connais.Sachez
Que je ne suis pas dupe, ô doux ténorscachés,
De votre mélodie et de votre langage.
Celle que j’aime est loin et pense àmoi : je gage,
Ô rossignol dont l’hymne, exquis etgracieux,
Donne un frémissement à l’astre dans lescieux,
Que ce que tu dis là, c’est le chant de sonâme.
Vous guettez les soupirs de l’homme et de lafemme,
Oiseaux ; quand nous aimons et quand noustriomphons,
Quand notre être, tout bas, s’exhale en chantsprofonds,
Vous, attentifs, parmi les boisinaccessibles,
Vous saisissez au vol ces strophesinvisibles,
Et vous les répétez tout haut, comme devous ;
Et vous mêlez, pour rendre encor l’hymne plusdoux,
À la chanson des cœurs, le battement desailes ;
Si bien qu’on vous admire, écouteursinfidèles,
Et que le noir sapin murmure aux vieuxtilleuls :
« Sont-ils charmants d’avoir trouvé celatout seuls ! »
Et que l’eau, palpitant sous le chant quil’effleure,
Baise avec un sanglot le beau saule quipleure ;
Et que le dur tronc d’arbre a des airsattendris ;
Et que l’épervier rêve, oubliant laperdrix ;
Et que les loups s’en vont songer auprès deslouves !
« Divin ! » dit le hibou ;le moineau dit : « Tu trouves ? »
Amour, lorsqu’en nos cœurs tu te réfugias,
L’oiseau vint y puiser ; ce sont cesplagiats,
Ces chants qu’un rossignol, belles, prend survos bouches
Qui font que les grands bois courbent leursfronts farouches
Et que les lourds rochers, stupides etravis,
Se penchent, les laissant piller lechènevis,
Et ne distinguent plus, dans leurs rêvesétranges,
La langue des oiseaux de la langue desanges.
Caudebec, septembre 183.